samedi 15 juin 2013

Le Cinque Terre



LE CINQUE TERRE



Le matin, lever de bonne heure pour rejoindre Levanto d’où nous prendrons le train pour les Cinque Terre. Le temps est splendide, la journée s’annonce sous ses meilleurs auspices.
La route est sinueuse, tortueuse même jusqu’à Levanto. Nous stationnons devant la gare qui possède son bureau d’accueil Cinque Terre où nous pouvons acquérir nos billets de train + sentiers. Le prix du parking est raisonnable.





Nous attendons notre train et en route pour la grande aventure ! A bord, on parle anglais, français, allemand, japonais, on se caresse du sac à dos, bref on ne respire pas vraiment la couleur locale !
Quelques minutes suffisent pour atteindre la gare de Monterosso où le tortillard dépose son premier lot de marcheurs. « Lot » n’est pas vraiment la terme adapté : il faudrait plutôt parler de marée  qui se déverse et grouille sur le parvis. On se bouscule, on se hèle, dans toutes les langues et dans tous les dialectes : une vraie foire à l’italienne sans aucun italien pour l’animer. Nous partons du côté du calme en se disant que toute cette manne aboyante ne peut pas partir sur les sentiers. La suite nous prouvera que si.



Très vite tout se calme. Une tour nous surplombe et nous accueille visiblement ravie de voir quelqu’un s’intéresser à elle.




Nous déambulons dans les rues alentour, faisons une halte dans la chapelle moderne « San Domenico e San Andrea » et devons nous rendre à l’évidence : le sentier pour Vernazza n’est pas de ce côté.




Il nous faut donc retraverser la cohue et la suivre jusqu’à ce qu’un panneau nous situe un peu les lieux. Il nous faut d’abord emprunter un passage souterrain qui nous découvrira la ville ancienne d’où nous pourrons prendre le sentier.
A l’italienne, c'est-à-dire au milieu des travaux, le passage souterrain nous accueille. Il nous dépose enfin au pied de la tour Aurora qui marque le début du centre historique.


Dans les Cinque Terre, tout s’empile : il nous faudra donc passer sous le viaduc ferroviaire qui lui-même enjambe la place du marché.
Un petit tour en ville nous dévoile une église agréable et quelques ruelles un peu trop mercantiles pour nous. Les restaurants étalent leurs terrasses sur la place et semblent accueillir ce jour de soleil avec joie.




Nous repassons sous le viaduc et attaquons le sentier après avoir pagayé un moment pour régler nos nouveaux bâtons de marche made in Decathlon.
Sans attendre, ça monte sévèrement. 



Autour de nous, on parle toujours toutes les langues de la planète, ceci nez contre échine et dans les deux sens. Après quelques minutes de grimpette prononcée, nous surplombons déjà le village de Monterosso et nous parvenons au péage.


Nous pensions que là, une partie des quidams et des quid hommes rebrousseraient chemin. Il n’en est rien. Tous s’acquittent de leur octroi ou dégainent leur sauf-conduit Trenitalia et s’enfilent vers les interminables marches d’escaliers qui gravissent la colline entre les murs des différentes propriétés en terrasses. Le long chapelet polyglotte nous indique qu’on risque d’en baver quelques ronds de chapeau avant de parvenir à Vernazza. Et l’idée n’est pas un euphémisme : on souffle, on rougit, on verdit, on pâlit, on se frotte la bedaine à du teuton, du tommy, du nippon, de l’euzkadi, bref, on grimpe, on grimpe, on grimpe encore, on grimpe toujours au milieu d’une cacophonie grandissante.


Dans cette ménagerie, le plus volubile est indéniablement le rosbeef qui, lorsqu’il est mâle beugle de l’humour plein de mie de pain et, lorsqu’il est femelle glousse et trémousse de la crête à l’envie. Le pompon sera tenu sur toute la distance par deux dindes sexa ou septuagénaires proposant de photographier tout ce qui passe. On en oublie carrément les quelques transalpins qui triment dans les parcelles de vigne.


Parfois, quelques pins affables nous permettent de jeter un œil sur la mer qui, comme toutes les mers, ondule ses vagues sous l’indifférence du ciel et s’est habillée de bleu pour l’occasion.


Nous poursuivons notre déambulation sur l’autoroute planétaire. Nous croisons enfin un groupe de français CAMIF qui nous indiquent que l’on aurait dû déambuler dans l’autre sens où le dénivelé est moins amer.


Nous sommes ensuite dépassés par une professeure française qui excuse à qui veut bien la comprendre le comportement limite limite des ados qu’elle a pédagogiquement lancés dans les escaliers ligures. Aux joues gonflées des adolescentes à sac à main, aux lourdes plaisanteries des acnés ambulantes qui se gaussent, elle semble mesurer les limites de la pédagogie active et rêve de cours magistraux avec diapositive des Cinque Terre sur son TBI. Dieu que nous la comprenons !


Nous montons, nous descendons, en suivant notre long cordon humain quand midi arrive, accompagné des premiers nuages.


Une table nous accueille et nous dégainons nos sandwiches le long des sacs à dos vrombissants. Au-dessous, la mer, toujours aussi impersonnelle accepte quelques regards. Ils sont brefs car notre charretée de rosbeefs ne tarde pas à arriver à se poser tout autour de nous et à sourire aux Miss Kodak qui continuent de glousser et à éructer de la marmelade à qui veut l’entendre…


Nous laissons l’envahisseur partir vers d’autres conquêtes avant de reprendre notre chemin. Il est treize heures et le touriste semble se clairsemer. L’accalmie sera de courte durée.


Nous apercevons enfin les toits de Vernazza à l’à-pic. Peu à peu, le village nous découvre ses murs multicolores et apporte un peu de répit à nos yeux lassés de l’alternance du bleu et du vert. Une photo du spectacle nous permet de retrouver nos dindes photographiques avant d’entamer la descente vers le port.



Nous doublons d’abord un bateau qui s’offre la mer en passant par la fenêtre du premier étage d’une ferme en partie écroulée, un saxophoniste oublié dans les pinèdes...


Nous entrons dans Vernazza par des ruelles sombres libérant leur linge qui pend et nous immergeons dans une foule invraisemblable qui descend vers le port derrière les panonceaux numérotés de ses guides polyglottes.


Sur le port, quelques pêcheurs tentent de hisser leurs barques hors de l’eau en écrasant quelques pieds étrangers. Même l’église, romane à souhait, déborde des éructations touristiques. Nous décidons de quitter la foule et de prendre le premier train pour Corniglia car, désormais, les sentiers ne sont plus accessibles.


Le quai est à l’image de ce que nous vivons depuis ce matin. Désabusés, posés contre un mur, nous attendons, nous engouffrons dans la première voiture et espérons un peu de calme au village suivant car nous avons perçu que de nombreux groupes voyageraient, eux, jusqu’à Manorola.
Il n’en est en fait rien et le quai de la gare de Corniglia offre le même spectacle que celui des gares de Monterosso et de Vernazza.
Depuis ce matin, nous en avons soupé des escaliers et nous avons les genoux qui implorent un peu de répit. Nous ne monterons donc pas la « Lardarina » et ses trois cent soixante-dix-sept marches. Nous choisissons de prendre la route jusqu’au village d’où, d’après les guides touristiques, l’on peut admirer les cinq villages mondialement connus.


Il nous faut une bonne demi-heure pour parvenir sur la place du village, un peu moins cacophonique que le reste. Nous cherchons en vain le point de vue sur les environs, nous entrons dans une église bien banale et décidons, sous les premières gouttes de pluie de rejoindre la gare et de terminer ici notre escapade dans les Cinque Terre : adieu Manarola et Riommaggiore, adieu anglais, allemands, espagnols, japonais, russes, tchèques, polonais et tutti quanti, nous rendons nos armes à la foule et rentrons dans le calme montagnard de notre gîte.


Nous arrivons sur le quai au même moment que le train qui semble avoir compris notre dessein. Nous sautons dans le première voiture en nous disant que, maintenant, il peut bien pleuvoir, nous nous en moquons.
Nous débarquons à Levanto, hésitons à partir visiter la ville malgré les prémisses d’orage et décidons finalement de nous enfuir vers les sommets. Deux Ferrari plus loin, nous pouvons gravir lentement les innombrables lacets.
De loin, nous nous apercevons qu’un petit véhicule à trois roues a pris notre place de parking. Nous ne nous hasarderons pas à tenter une ascension en sa présence : nous posons notre Berlingo sous un arbre et nous montons à pied.
Cette fois, il pleut. Nous entrons dans notre chambre, qui a été faite de fond en comble et nous trouvons un mot sur le lit nous précisant que, le lendemain matin, avant de quitter les lieux, il serait bon que nous laissions cent dix euros sur notre lit et les clés sur la porte : insouciante Italie !


Le problème, c’est que nous pensions payer avec notre carte bancaire, que nous ne possédons pas les cent dix euros et que le distributeur ne nous lâchera aucun billet avant mardi prochain. Il est manifeste que, dans ces lieux nous ne croiserons aucun propriétaire. Il est impensable que nous retournions à La Spezia, où celui-ci possède un institut de bien-être et où notre GPS joue les filles de l’air. Il n’est pas raisonnable d’utiliser notre téléphone portable qui, la frontière passée, joue les détrousseurs de compte bancaire… Après un moment de réflexion, nous décidons de prendre le propriétaire à son propre jeu : nous lui laisserons un mot sur le lit, lui expliquant que nous n’avons pas d’argent liquide et pas de téléphone portable, qu’une rencontre eut permis de trouver une solution amiable, que nous partons donc sans payer mais qui, après transmission de ses coordonnées bancaires par internet et après retour physique en France nous lui ferions un virement bancaire. Nous lui faisons part de notre bonne foi et attendrons que l’avenir nous dise si Interpol nous coursera ou non sur les routes de Toscane.


Dernière péripétie du jour : le gaz refuse catégoriquement de s’allumer. Après maints essais, nous nous rabattons sur une salade regroupant tout ce que nous possédons. Dehors, la pluie redouble et c’est dans les rumeurs d’orage que nous sombrons dans un sommeil bien mérité.

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