FLORENCE
Nous prenons le train de 9h27, bondé, qui nous dépose
sur le quai de la gare de Santa Maria Novella à 10h05. Nous nous frayons un
chemin dans la cohue et nous ne tardons pas à débarquer sur Piazza Santa Maria
Novella qui possède deux grands obélisques.
Dressés sur d’amusantes tortues de bronze du sculpteur
Giambologna, ils commémorent le souvenir d’un ancien cirque romain où des
poteaux similaires marquaient le début et la fin des courses de char.
La façade de l’église, de style roman a été achevée en
1456. Giovanni Rucellai, négociant en tissus, chargea Leon Battisti Alberti de
lui donner son aspect définitif, dans un style mâtiné de classicisme.
La version latine du nom de Rucellai (Iohanes
Oricellarius) s’inscrit sur la largeur de la façade, suivie de l’année de la
consécration de l’édifice (1470).
On reconnaît également l’emblème personnel de
Ruccellai : la voile gonflée de la fortune, celui de sa famille : des
plumes dans un anneau et, sur le fronton, un immense soleil, symbole de l’ordre
des Dominicains à qui Rucellai donna l’église.
Nous admirons les belles façades qui entourent la
place puis les jardins de l’église dans laquelle nous n’entrerons pas
compte-tenu du prix de l’entrée.
Nous nous disons qu’en suivant les nombreux groupes
asiatiques qui suivent l’étendard de leur guide, nous devrions parvenir à la
piazza del Duomo où nous attendent nos découvertes du jour. Nous traversons une
partie de la ville, avant d’y arriver.
Nous allons récupérer notre Pass et nous commençons
notre visite par le Duomo, à la façade exceptionnelle mais, pour nous, à
l’intérieur fort décevant au regard de celui du Duomo de Sienne.
Le fronton, conçu par Arnolfo di Cambio fut abattu
encore inachevé, en 1587 afin de céder la place à une façade plus conforme au
goût du 16ème siècle.
Mais il fallut attendre trois cents ans pour que les
plans d’Emilio de Fabris soient acceptés en 1887.
Le Duomo Santa Maria del Fiore est la quatrième plus
grande cathédrale du monde. En y entrant, on est frappé par son espace et par
son austérité un peu lugubre.
Au-dessus de la porte d’entrée, se trouve l’Horo
Italica, curieuse horloge indiquant la division du temps dans laquelle la
première heure de la journée coïncide avec le lever du soleil. Ce système, conçu
par marquer les heures canoniales, resta d’un usage répandu en Italie jusqu’au
18ème siècle.
En hauteur aussi, se trouve le tombeau d’Antonio
d’Orso, évêque de Florence, œuvre de Tino de Camaiano.
Plus loin, on peut admirer une sculpture de Benedetto
da Maiano, « Giotto à l’œuvre » dont le photographe a été peu inspiré ou un peu trop bousculé...
Sur le mur opposé, on peut admirer trois œuvres
majeures de la cathédrale. Tout d’abord, le monument équestre de l’aventurier
et condottiere Niccolo da Tolentino qui s’illustra à la bataille de San Romano,
œuvre d’Andrea del Castagno. A sa droite, se trouve le remarquable monument
élevé à la gloire du mercenaire anglais devenu condottiere des troupes
florentines, John Hawkwood, fresque en trompe-l’œil réalisée par Paolo Uccello
en 1436.
La troisième œuvre représente Dante et la Divine
Comédie (1465). Cette fresque de Domenico di Michelino montre le poète tenant
un exemplaire de son ouvrage d’où jaillissent des rayons illuminant la ville.
Dante est représenté hors des murs de la ville, sans doute pour indiquer son
exil.
Autre chef-d’œuvre de la cathédrale, la coupole de
Brunelleschi, la première de cette taille et de ce poids, ornée de fresques
étonnantes dues à Vasari.
De l’autre côté de l’édifice, se dresse le campanile,
l’un des plus beaux d’Italie, dessiné par Giotto.
Il est décoré de statues de Donatello et de Luca della
Robbia.
Sa construction commença en 1334 sous la direction de
Giotto qui n’eut le temps d’achever que le premier étage avant sa mort en 1337.
Il s’inspira probablement des motifs ornementaux polychromes créés par Arnolfo
di Cambio pour la façade du Duomo.
Andrea Pisano réalisa le deuxième étage et mourut à
son tour. C’est Francesco Talenti qui le termina.
Le campanile a une hauteur de 84,70 mètres. La
thématique des sculptures de sa façade retrace l’évolution de l’homme depuis le
péché originel à sa base jusqu’à l’état de grâce divine au sommet.
Il est midi, nous allons pique-niquer à l’ombre au
pied du Duomo devant le musée de l’Opera del Duomo.
Ensuite, le ventre plein et munis de nos audio-guides, nous partons à la découverte du baptistère de San Giovanni, le plus vieil édifice de Florence puisqu’il est mentionné pour la première fois en 898.
Sa décoration, classique, date des
années 1059 à 1128, période à laquelle on ajoute les pilastres, les frises et
corniches en marbre de plusieurs couleurs qui ornent l’extérieur.
Sur l’abside sont figurés deux lions sur le point de
dévorer des têtes humaines, symboles des tourments réservés aux pécheurs
répandus dans les églises romanes des 12ème et 13ème
siècles.
La porte sud, la plus ancienne, a été dessinée par
Andrea Pisano, artiste pisan qui fut choisi parce que la cathédrale de sa ville
natale, récemment construite, était célèbre pour ses magnifiques portes en
bronze.
La porte est constituée de 28 bas-reliefs en partie
dorés, illustrant la vie de Saint Jean-Baptiste, le patron de Florence et de
son baptistère.
Andrea Pisano acheva les modèles en cire en trois mois
et confia leur moulage au vénitien Leonardo d’Avanzo. Les travaux durèrent six
ans.
La porte nord est l’œuvre de Ghiberti qui consacra
vingt ans de sa vie à réaliser ses vantaux.
Il reprend le motif gothique du losange quadrifolié
encadrant chaque scène ainsi que le découpage en 28 panneaux utilisé par
Pisano.
Cette porte plut tant qu’on en commanda une deuxième à
Ghiberti, la porte est ou « Porte du Paradis », chef-d’œuvre de
Ghiberti et œuvre maîtresse de la Renaissance.
Abandonnant le schéma en 28 panneaux, Ghiberti se
limite à 10 bas reliefs et remplace le cadre en losange quadrifolié par de
simples formats carrés dont certains rassemblent en simultané plusieurs scènes
d’un même passage de la Bible. Le concept et les lois de la perspective, que
l’on venait de comprendre, sont appliqués avec habileté : subtilité de
l’expression, réalisme, puissance narrative et raffinement de la composition
expriment tous les attributs de la Renaissance.
A l’intérieur, le plafond en mosaïque représente
divers épisodes de la vie du Christ, de la Vierge et de Saint Jean-Baptiste.
Dans une absidiole, se trouve le tombeau de l’antipape
Jean XXIII, œuvre de Donatello et de Michelozzo.
Des colonnes en granit proviennent certainement de
l’ancien capitole romain, alors que sur le pavement en marbre finement ouvragé
on peut deviner l’emplacement des fonts baptismaux de forme octogonale.
Près de la porte nord, se trouve la colonne Saint
Zénobie, du nom du premier évêque de Florence. C’est là que se serait produit
un miracle au moment du transfert des reliques du saint de l’église San Lorenzo
à l’église Santa Réparata qui occupait auparavant la place du baptistère, le 26
janvier 429.
Sur le passage du cortège funèbre se trouvait un orme
qui, lorsqu’il fut effleuré par le corbillard, se mit à bourgeonner en plein
mois de janvier. C’est pour commémorer ce miracle que la colonne porte un
rameau en bronze.
Pour notre part, nous assistons à un des miracles du
vingt-et-unième siècle : le détroussement d’une touriste japonaise par un
pickpocket local !
Nous terminons nos visites du jour par le Museo dell’Opera del Duomo qui regroupe les éléments qui ont été retirés du Duomo, du baptistère et du Campanile au fil de temps, soit parce qu’ils se dégradaient soit qu’ils étaient remplacés par des pièces plus modernes. Nous pouvons d’abord admirer une tête de Saint Jean-Baptiste, sculptée par Tino di Camaiano…
A l’entresol, nous tombons nez-à-nez avec la
majestueuse Pietà de Michel-Ange, « Pietà Bandini » ou « Pietà
aux quatre figures ». Commencée à l’âge de 75 ans par Michel-Ange, cette
sculpture ne fait pas suite à une commande mais était certainement destinée à
son tombeau.
Cette œuvre est inachevée car, la pierre s’étant
brisée, la silhouette du Christ fut ratée. Michel-Ange commença à la détruire
et fut arrêté par son serviteur Antonio qui le pria de lui donner la sculpture.
Elle fut alors restaurée par Tiberio Calcagni, élève
et ami du Maître qui en termina quelques morceaux dont la figure de
Marie-Madeleine à gauche, dont on distingue nettement la différence
d’exécution. Malgré cela, Jésus ne possède pas de jambe gauche.
La Pietà représente Nicodème portant le corps du
Christ dans ses bras, aidé par la Vierge Marie à droite et Marie-Madeleine à
gauche. Avec Nicodème, Michel-Ange réalise un autoportrait, se représentant
lui-même en vieillard encapuchonné.
Nous nous retrouvons ensuite devant les deux superbes
« cantorie » (tribunes de chantres) de Donatello…
Fort différentes l’une de l’autre, elles
surplombaient, jusqu’en 1688 l’entrée des deux sacristies du Duomo.
Toutes deux sont ornées d’enfants dansant et jouant
d’instruments de musique, mais c’est là leur seul point commun.
Les enfants de Della Robbia font l’effet de créatures
innocentes et allègres, alors que ceux de Donatello ont l’air de garnements
bagarreurs et espiègles.
Tout près se trouvent les originaux des statues que
nous avons pu voir sur le campanile : l’Abacuc surnommé
« Zuccone » (grosse courge !) de Donatello…
… Euclide et Pythagore ou la géométrie et l’arithmétique de Luca della
Robbia…
La visite se termine par les originaux des bas-reliefs
de la Porte du Paradis du Baptistère, chef-d’œuvre de Ghiberti. Autant les
fac-simile de l’extérieur sont pris d’assaut, autant les originaux, bien à
l’abri dans le musée sont oubliés !
Nous ressortons rassérénés mais la chaleur et la
surpopulation des rues du centre de Florence ont raison de nous :
harassés, nous regagnons la gare et rentrons dans notre calme agriturismo. Nous
reviendrons demain !
Le lendemain, il faut
partir plus tôt qu’hier car nos réservations de visites commencent dès
l’ouverture des musées. C’est le train de 7h58, encore plus bondé que celui de
la veille, qui nous transporte.
Après un petit sprint dans
les rues de la ville, nous arrivons devant la Galerie des Offices, le célèbre
musée de la ville.
Là, la foule est déjà à
son comble et nous sommes heureux de récupérer un pass qui nous permet de
rentrer relativement rapidement.
Les photographies étant
interdites, nous ne pouvons rien vous montrer des chef-d’œuvre que nous avons
pu admirer : « le sacrifice d’Isaac » et « Bacchus »
du Caravage, les « Vierges en Majesté » de Cimabue, Duccio di
Boninsegna et la « Madona d’Ognissanti » de Giotto mise en
comparaison dans la même salle, « le couronnement de la Vierge » de
Fra Angelico, « la bataille de San Romano » de Paolo Uccello,
« les portraits du duc d’Urbino et de Battista Sforza » de Pietro
della Francesca, « le Printemps » et « la naissance de
Vénus » de Botticelli, « la Vierge au chardonneret » de Raphaël,
« la vénus d’Urbino » du Titien… Malheureusement, « l’adoration
des Mages » de Léonard de Vinci et les toiles de Michel-Ange étaient en
restauration.
Il est midi lorsque nous
sortons de là et nous optons pour un pique-nique en regardant les statues
humaines qui se sont installées devant le musée.
Notre repas avalé, nous
rejoignons la Piazza della Signoria où s’élève le Palazzo Vecchio qui fut le
siège du gouvernement de Florence pendant sept siècles.
Par sa forme insolite, ses
monuments et ses statues, cette place est à la fois un vaste théâtre et un
musée de plein air. Florence combine ici la force militaire et la grâce de la
Renaissance, l’austérité et la légèreté.
La statue équestre du
grand duc Cosme 1er de Médicis, réalisée par Giambologna a été
conçue pour rappeler la célèbre statue de l’empereur romain Marc Aurèle sur la
place du Capitole de Rome : elle associe la gloire de la Florence de la
Renaissance à celle de la Rome antique.
Cosme 1er réapparaît
sous les traits de Neptune dans « La Fontaine de Neptune » de
Bartolomeo Ammanati.
Avec un peu
d’entraînement, on peut s’apercevoir que l’homme illustre était sensible à
l’avenir de la dynastie…
Cette statue (et non pas
les attributs de Cosme !) fut vivement critiquée par Michel-Ange qui se
serait exclamé : « Ammanati ! Quel beau bloc de marbre tu
as gâché ! »
Sur la place, se trouve
aussi le Marzocco de Donatello, le lion héraldique florentin qui se retrouve
dans de nombreuses villes toscanes dominées par Florence à partir du 13ème
siècle. La coutume voulait que les prisonniers de guerre fussent obligés de
baiser son postérieur.
Agé de sept cents ans, il
a longtemps été le seul pont franchissant l’Arno même si sa superstructure en
bois, plusieurs fois détruite par les crues fut souvent reconstruite.
Les échoppes du Ponte
Vecchio existaient déjà au 12ème siècle. La plupart étaient tenues
par des bouchers, des charcutiers et des poissonniers qui déversaient
directement leurs déchets dans l’Arno.
Puis, s’installèrent les
tanneurs qui mettaient les peaux à tremper dans le courant avant de les tanner
à l’aide de l’urine de cheval.
En 1565, Cosme 1er
de Médicis fit construire le Corridoio Vasariano, un étroit et long couloir
reliant par le haut le palais Pitti, nouvelle résidence construite par la
famille au Palazzo Ducale et aux Offices. C’est à Vasari que fut confiée sa
construction.
En 1593, incommodé par les
odeurs nauséabondes et le vacarme qui montaient des boutiques, Ferdinand 1er
de Médicis bannit du Ponte Vecchio les praticiens des « arts
vils » ! Au double du prix, il autorisa l’implantation sur le pont
des joailliers et des orfèvres.
Certains de leurs
descendants officient encore sous les charmants auvents de leurs échoppes aux
volets de bois.
Un buste de l’un des fils
les plus célèbres de Florence, Benvenutto Celini, se dresse au centre du Ponte
Vecchio.
Nous quittons
l’effervescence du Ponte Vecchio par la rive gauche afin de rejoindre le
beaucoup plus calme quartier Santa Croce.
Presque à l’entrée de
l’église, se trouve le tombeau de Michel-Ange, œuvre de Vasari. C’est à la
demande de Michel-Ange lui-même que le tombeau fut érigé près de l’entrée. Le
maître voulait que la coupole de la cathédrale de Florence soit la première
chose qu’il voit lors de sa résurrection !
On peut ensuite voir le
cénotaphe de Dante Alighieri par Stefano Ricci. Il s’agit d’un cénotaphe et non
d’un tombeau car le corps du poète se trouve à Ravenne où il avait été exilé.
Après le tombeau de
Machiavel, sans grand intérêt, on se trouve devant une très belle Annonciation
de Donatello.
La première chapelle est
la « cappella Castellani » décorées de peintures de Gaddi présentant
la vie de Saint Jean-Baptiste, de Saint Nicolas de Bari le saint patron des
enfants, et des scènes de la vie de Saint Antoine.
La chapelle Baroncelli,
attenante, est celle des célèbres fresques de la « Vie de Marie »,
chef-d’œuvre d’Antonio Gaddi le plus grand élève de Giotto.
A l’autre bout de
l’église, se trouve le tombeau de Galilée devant lequel nous nous arrêtons
avant de sortir.
Nous sortons ensuite dans
le cloître qui abrite le petit et paisible Museo dell’Opera di Santa Croce.
Nous pénétrons d’abord
dans la Cappella dei Pazzi, chapelle aux volumes absolument parfaits édifiée
par Brunelleschi. Sa décoration rehausse la sobriété des volumes géométriques.
Elle est formée de médaillons et de têtes de chérubins dus à Desiderio di
Settimagno, d’un tondo dû à Luca della Robbia et d’un Saint André que l’on doit
à Giuliano da Maiano.
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