PISE - LIVOURNE
Nous quittons notre
agriturismo vers neuf heures et prenons la direction de Pise et son Campo dei
Miracoli.
Comme il l’avait commencé,
notre séjour toscan se termine sous d’énormes nuages noirs qui annoncent une
nouvelle journée oscillant entre pluies diluviennes et soleil timide. Tant pis,
la Corse nous attend et nous y allons.
Une heure plus tard, nous
entrons sur le Campo dei Miracoli où sont regroupés la Tour Penchée, la
basilique, le baptistère, le Camposanto Monumentale et le musée des Sinopie.
Nous pensions que le nombre de touristes au mètre carré avait atteint son
paroxysme à Florence mais il n’en est rien. Ici, la foule est monstrueuse.
Nous nous dirigeons
d’abord vers la Tour Penchée afin de vérifier que nous n’avons pas bu et que
c’est bien elle qui a des problèmes.
L’érection du campanile a
commencé en 1173. La tour se mit presque immédiatement à pencher : ses
fondations s’enfonçaient dans le sol sableux. Il fallut 180 ans pour la
terminer, durant lesquelles les architectes tentèrent en vain de corriger son
inclinaison.
Galilée en
profita pour effectuer des expériences de physique du sommet de la tour,
afin de prouver que deux corps de masse ou de densité différentes, lâchés de la
même hauteur, arrivent au sol en même temps.
L’inclinaison n’a cessé de
s’accentuer, notamment au 20ème siècle, pour atteindre finalement
5,40m. En 1999, les ingénieurs ont entrepris de la stabiliser à l’aide de
contrepoids, de câbles d’acier et de techniques de terrassement très élaborées.
Le campanile, cylindre
creux formé de deux murs concentriques, parés de marbre et l’œuvre de Bonanno.
Nous traversons le parc,
agréable avec ses demeures colorées, pour nous rendre au cimetière monumental.
Bien nous en prend car, la porte à peine franchie, une averse gigantesque
s’abat sur le site.
La décision de créer une sorte
de panthéon des hommes célèbres près du baptistère fut prise dès le début du 13ème
siècle.
Le cimetière ne fut
entrepris qu’en 1278 sur un projet de Giovanni di Simone.
L’ensemble, fermé par
quatre murs en marbre, est impressionnant.
Avec ses grandes baies
gothiques, on se croirait dans un cloître gigantesque, pavé de plus de 600
pierres tombales et meublé d’une centaine de sarcophages antiques.
La galerie était ornée de fresques
dont la plupart ont été détruites par le bombardement de 1944. Toutefois, trois
fresques monumentales furent sauvées et réinstallées sur place. Ce sont trois
chefs-d’œuvre attribués à un artiste peu connu mais que vantait Boccace, Buonamico
Buffalmacco qui peignit Le Triomphe de la Mort (***), le Jugement dernier (**)
et l’Enfer (**).
Edith est ravie :
nous allons maintenant visiter le dernier baptistère de notre périple. Mais
elle est d’accord pour dire que celui-ci vaut particulièrement le détour.
Le contraste est frappant
entre sa base, d’une élégance simple accordée à celle du Duomo, et sa galerie
circulaire à motifs gothiques exubérants qui lui procure une préciosité
fleurie.
Le volume intérieur se
déploie en une nef circulaire sur laquelle repose une tribune.
Ce magnifique espace
amplifié par la haute voûte pyramidale n’est meublé que d’un autel dû à Guglielmo,
de fonts baptismaux dont
les rosaces font écho à celles de l’autel
et de la chaire (***) de Nicola Pisano.
Nous traversons pour nous
rendre à la cathédrale.
La cathédrale Santa Maria
Assunta (Duomo), un des plus beaux édifices romans d’Italie a été
commencée en 1064, plus d’un siècle avant le campanile.
Sa profusion de piliers,
de colonnes et de marbres délicatement colorés servit de modèle à d’autres
églises de style roman pisan dans toute l’Italie centrale ; beaucoup se
sont inspirées de sa façade aux riches ornements décoratifs de type
arabo-byzantin dus aux liens privilégiés des Pisans avec l’Orient.
Les sculptures extérieures
sont antérieures à l’apparition des deux plus grands sculpteurs pisans, Nicola
et Giovanni Pisano dont on peut voir les œuvres exceptionnelles à l’intérieur
de l’édifice et dans le baptistère.
L’élément le plus notable
de l’extérieur, la Porta di San Ranieri, face au campanile, était autrefois
l’entrée principale de la cathédrale. Œuvre de Bonanno Pisano, les deux vantaux
comptent 24 panneaux de bronze illustrant des scènes du Nouveau Testament. Les linteaux
de la porte sont curieux : on y a incorporé des fragments de frises et de
sculptures romaines du 2ème siècle.
Certains trésors de la
cathédrale ont été perdus lors d’un incendie en 1595. Deux œuvres ont échappé
aux flammes : la mosaïque de l’abside, Le Christ en Majesté, dû en partie
à Cimabue, le maître de Giotto et d’autres œuvres de toute beauté dans les
chapelles des absides.
Dépassant de loin ces
œuvres, la superbe chaire de Giovanni Pisano s’insère dans une série de chaires
réalisées par Nicola et Giovanni en Toscane, et c’est la plus belle.
La plupart des figures
ornant sa surface sont presque détachées du bloc de pierre, ce qui exigeait une
prodigieuse maîtrise technique.
Nous nous rendons ensuite au musée des
Sinopie.
La sinopia (au pluriel
italien sinopie) est le
nom d'un pigment de couleur rouge, prove-nant probablement de la région de Sinope (Turquie), sur la mer Noire. On appelle aussi sinopia une ébauche de fresque réalisée avec ce
pigment rouge.
Autrefois, les murs du camposanto étaient couverts par un
cycle de fresques.
Découvertes en 1944 suite à un bombardement allié - qui provoque un incendie du
Camposanto - l‘enduit des fresques se détache sous l‘effet de la chaleur et la
fonte de la couverture en plomb. Suite à ses dégradations, en 1947, une
campagne de sauvegarde est engagée où les fresques séparées des murs - selon la
technique dite « a strappo » - laissent apparaître,
au-dessous, des sinopie extrêmement bien conservées. Ces
dessins sont également séparés en utilisant la même technique utilisée pour les
fresques, et sont ensuite exposés dans le museo delle Sinopie.
Nous quittons alors le Campo dei Miracoli et nous rejoignons
San Piero a Grado.
L’église, jadis battue par
les flots marins, se découpe dans une solitude étrange.
D’après le nouveau
Testament, Pierre, l’ami de Jésus, venant d’Antioche, débarqua ici en 42 et y
fit construire une chapelle. La construction de la sobre basilique fut
probablement entreprise au 10ème siècle.
L’intérieur, où sont
réemployées des colonnes romaines, possède un intéressant cycle de fresques des
années 1300 relatant la Vie de saint Pierre.
Nous rejoignons ensuite Tirrenia
calme cité balnéaire. Le pique-nique devait avoir lieu dans la pinède mais la
mer déchaînée nous en empêche.
Nous tentons alors une
visite de Livourne mais l’ambiance portuaire du lieu et les vicissitudes du
temps nous poussent à l’écourter.
Résultat des courses, à
15h30 nous sommes sur le port pour un embarquement à 19h : sieste et
lecture nous permettent de patienter. A 18 heures notre bateau arrive histoire
de mettre un peu d’animation dans les quatre files de véhicules qui attendent.
Embarquement dans le
calme, départ à l’heure et, dès la sortie du port, nous sentons que le transit
de quatre heures vers la Corse ne sera pas de tout repos. Sans attendre, ça
tangue et, rapidement, ça tangue dur. Nous ne nous laissons pas abattre :
nous attaquons notre casse croûte à la suite duquel Edith se lance dans une
sieste qui ne dure pas longtemps. Il vaut mieux rester assis.
A vingt-deux heures
trente, la radio annonce de vider les cabines. A vingt-deux heures trente cinq,
la radio nous confirme que nous poserons les pieds à Bastia dès vingt-trois
heures. A vingt-deux heures quarante, la radio se rappelle à nous pour nous
annoncer que le port est fermé et que nous ne pourrons pas accoster dans
l’immédiat.
Et puis… Silence radio…
Plus aucune veste jaune aux couleurs de Corsica Ferries dans les couloirs… Nous
scrutons désespérément les lumières bastiaises… A une heure, nous en venons à
penser que nous devrons passer la nuit ici. A une heure trente, nous souhaiterions
que l’on nous propose des cabines pour pouvoir tenter de nous allonger.
A deux heures, on nous
annonce que le débarquement va pouvoir
avoir lieu et nous voyons le bateau pilote tenter de déposer notre sauveur à
notre bord. L’accostage s’avère difficile mais réussit. Deux heures trente, le
bateau entre en marche arrière dans la rade et on nous demande de rejoindre
dare-dare notre véhicule. Deux heures quarante, la passerelle du bateau refuse
obstinément de s’ouvrir. A deux heures cinquante, elle s’abaisse enfin.
Trois heures trente du
matin, nous poussons la porte de Lucciana où nous avons dû réveiller Julien. Décidément, il était dit
que ce périple italien se terminerait comme il avait commencé !
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