vendredi 14 juin 2013

En Ligurie



LIGURIE

Le soleil est resplendissant lorsque nous faisons tourner notre clé dans la serrure du portail. Un petit passage à la boulangerie et c’est parti. La Maurienne se traverse sans véritablement doubler de véhicules. Il en est de même pour la descente sur Turin.

Mais tout à coup, les choses changent : voitures dans tous les sens, camions qui avancent à grands coups de klaxon : il va falloir s’habituer à la conduite italienne…

Sur les coups de midi, nous approchons de Gênes : circulation monstre, tunnels en enfilade non éclairés et très peu larges, camions en surnombre : une épreuve pour Edith !

Nous quittons l’autoroute du côté de Rapallo pour nous rendre à Portofino, le Saint Trop italien. L’accès à la cité avec vue sur mer est de toute beauté mais empêche toute forme de stationnement. Les carabinieri du coin nous entraînent jusqu’à l’unique parking local, à 5,50€ de l’heure. On s’y arrête tout de même et vérifiant de ne rester qu’une heure.

La ville, piétonnière, est agréable. 



Le petit port est calme et les terrasses de restaurant très italiennes.








Au-dessus de la ville se dresse la forteresse, « Fortezza San Giorgio », et, sur l’autre colline, l’église, assez banale et aussi assez sombre, ce qui vaut à Edith l’occasion de s’empaler une rangée de bancs disposée là par inadvertance.
 



Nous remontons par les ruelles oubliées de la foule et nous quittons le lieu qui, bien que de toute beauté, pue un peu trop le fric pour nous.




Nous rejoignons Zoagli, beaucoup plus accessible à notre entendement. Une longue promenade surélevée est aménagée sur le bord de mer et nous permet de prendre un contact agréable avec la Méditerranée.





Les vitraux et les fresques de l’église sont de toute beauté. 







Ils nous incitent à partir à l’assaut de la montagne pour rejoindre l’église San Pantaleone, fermée, puis l’église San Ambrogio qui domine le port de Rapallo et toute la Riviera. Nous sommes en admiration devant les portes sculptées de l’église. 













Mais il faut songer à rejoindre le gîte.


La route longe d’abord le bord de mer en enchaînant les villes toutes plus désagréables les unes que les autres et décide tout à coup de s’attaquer à la montagne : ça tourne et pendant longtemps… Soudain, une espèce de chemin sur la gauche nous indique la direction de l’Agriturismo. Premier essai : l’avant de la voiture manque de toucher les rochers. Deuxième essai : l’arrière frotte sur la route qui monte à plus de 15% et permet juste au véhicule de passer en largeur. Il faut se résoudre à poursuivre jusqu’au village suivant pour faire demi-tour et prendre la montée quasiment de face. Chose faite, nous arrivons sur le chemin d’accès : la route monte tellement que les roues avant patinent. En insistant, la voiture prend tout de même un peu de vitesse et, cahin-caha, nous parvenons au sommet de la côte où une chaîne en travers de la route nous arrête.

Je pose la voiture ici : nous verrons plus tard. Le gîte est construit sur trois étages et nous ne trouvons pas âme qui vive : seuls de post-it sur les portes des chambres avec les noms des locataires. Nous trouvons notre nom sur une porte du deuxième étage avec terrasse donnant sur les montagnes environnantes : de toute beauté.
Nous entrons. Un mot, sur le lit, nous indique de nous installer. Avant de décharger la voiture, je décide de redescendre jusqu’au premier niveau où un petit espace devant un bâtiment en préfabriqué doit permettre un demi-tour en plusieurs fois. Il faut obligatoirement descendre en marche arrière puisque la chaîne empêche toute manœuvre. Je descends lentement en m’assurant, dans le rétroviseur gauche de ne pas basculer dans le pré longeant le chemin qui m’imposerait un nombre de tonneaux difficile à évaluer. J’évite si bien la chute que j’entends soudain un choc sur le côté droit. J’arrête la voiture et vais voir. J’ai trop serré à droite, je suis monté sur un muret et je viens d’écraser une descente d’eau pluviale qui m’a empêchée de sauter une marche d’environ quatre-vingt  centimètres de hauteur.
Je remonte dans le Berlingo et enclenche la première pour remonter et recommencer. Mais là, surprise, les roues avant patinent et la voiture refuse de bouger. Je tente de trouver une aide mais il n’y a personne dans l’établissement.



Au-dessus, j’entends tourner le moteur d’un motoculteur. Je vais voir. Je trouve un jeune homme qui en bave des ronds de chapeaux à tenter de manœuvrer un engin semblant avoir traversé les siècles. Je me lance dans une explication qui montre mes limites dans le vocabulaire italien de l’accident mais je parviens tout de même à faire comprendre au jardinier que, s’il ne vient pas m’aider, il ne pourra plus redescendre de chez lui.
Il m’accompagne. Il me fait part, avec toute sa verve italienne, de la cocasserie de l’évènement et provoque l’arrivée d’un retraité que le bruit a extrait de sa lecture. Ils me demandent d’alléger le coffre afin de faciliter l’adhérence des roues avant. Je m’exécute et Edith fait les voyages jusqu’à la chambre. Nous déposons la roue de secours mais rien n’y fait : les roues patinent et ça pue le caoutchouc brûlé.






Le voisin, en digne descendant de Léonard de Vinci, se lance des calculs que nous avons du mal à suivre pour décider d’aller chercher une planche, d’un mètre de long au minimum, qui, placée sous la roue arrière gauche (la seule accessible) permettra l’adhérence tant espérée. Il revient, il se glisse sous la voiture, dispose méticuleusement sa planche salvatrice et me demande de m’installer au volant. Allez, on part à l’assaut de la pente !


Rien. Désespérément rien. Ça pue toujours le caoutchouc mais la voiture n’a pas bougé d’un millimètre. Le retraité, après une mûre réflexion, explique que ce n’est pas du côté gauche que l’adhérence ne se fait pas mais du côté droit. Il suggère de surélever la voiture de ce côté-là avec un cric, de glisser la planche de salut sous la roue avant droite et d’attaquer la grimpette. Problème : où trouver le cric dans cette satanée voiture ? Car, en petit farceur, M. Citroën n’a pas placé le cric et sa manivelle dans le coffre comme on aurait pu s’y attendre. Edith se lance dans la lecture du manuel technique mais ne trouve aucune trace du matériel. Serge s’attaque à une fouille méticuleuse du Berlingo et trouve enfin, un bon moment plus tard, dissimulés dans une trappe placée sous la moquette du siège du conducteur, le dit cric et sa manivelle.

Un nouveau problème ne tarde pas à survenir : le cric ne passe pas entre la voiture et le mur et la manivelle, qui vient s’enclencher à son extrémité, encore moins.

S’ensuit un long conciliabule d’où s’évadent toutes les mystérieuses évocations de l’esprit humain, quand, soudain, le jardinier s’exclame qu’il nous faut un tracteur capable de tirer le véhicule dans la pente. Second problème : il y a bien, à l’avant de la voiture, un endroit permettant de visser un anneau permettant de tracter le Berlingo, mais où trouver cet anneau ? Après une recherche relativement longue, il est déniché sous le siège du passager.

Le voisin part, à pied à travers les jardins en nous assurant de son retour rapide avec un engin permettant le sauvetage. La discussion s’engage avec le retraité et son épouse venue déverser sur la Ligurie tout le mal qu’elle pense de cette région. Nous n’avons bientôt plus rien d’intéressant à nous dire et le jardinier n’est toujours pas de retour. Nous cherchons tant bien que mal de nouvelles remarques à nous livrer et l’attente devient longue.

Une bonne heure plus tard, voilà notre voisin qui réapparaît, toujours à pied, accompagné d’un homme affable qui a à peu près notre âge. Il nous explique que, dans cette pente, le problème devait arriver. Il ajoute que son fils était parti couper du bois en forêt avec le tracteur et qu’ils ont dû aller le chercher. Ils l’ont retrouvé et il va arriver. En effet, un moment après, surgit dans la côte un tracteur de poche encore plus ancien que le motoculteur. On l’attelle à la voiture, il tire et, lentement, la voiture s’ébroue jusqu’au sommet de côte. Le voisin enlève sa chaîne pour permettre le demi-tour et je descends. Longs conciliabules pour expliquer le pourquoi du comment de on ne sait plus quoi. Le pilote de tracteur refuse un peu d’argent, comme le voisin jardinier : nous ne pouvons qu’être admiratifs. Le tracteur disparaît en hoquetant dans la pente, les voisins partent à leur tour, le retraité reste encore quelque minutes et nous pouvons enfin prendre possession de nos locaux.




Mais les  vicissitudes ne sont pas terminées…

Nous avons réservé, pour le dîner, une table à La Spezia, ville distante d’une vingtaine de kilomètres. Nous voilà de nouveau sur la route qui serpente et serpente encore. En ville, le GPS s’en sort bien et nous trouvons rapidement le bord de mer d’où l’on ne voit pas la mer mais seulement de longues murailles de tôle de chantier.
Les pâtes sont al dente, les calamars fort goûteux et nous repartons rassérénés par ce moment de bien-être.

Mais voilà, dans ce monde  technologique n’est pas GPS qui veut et le nôtre se met à douter de sa fonction. Il ne nous met pas sur la route de l’aller mais nous entraîne sur une route minuscule de montagne encore plus sinueuse que celles que nous avons pratiquées aujourd’hui et encore plus sombre que l’intérieur d’une mine de charbon.
Nous montons, nous montons, en tentant de deviner où se situera le virage suivant, quand, sans avertir, une barrière de béton nous empêche de poursuivre. La route est fermée jusqu’à nouvel ordre pour travaux.
Une seule solution s’impose, le demi-tour, scabreux dans cette étroitesse et cette noirceur, mais on y parvient.
La descente s’effectue lentement dans les cris du GPS qui nous intime de faire demi-tour. Nous retournons sur le front de mer où, enfin l’appareil consent à nous indiquer une autre direction. Il nous entraîne sur une autoroute, celle que nous avions empruntée à l’aller et, par le jeu des bretelles et des tunnels successifs, nous ramène à notre point de départ. Nous insistons, en jurant de ne pas nous faire prendre une deuxième fois à son petit jeu : nous repartons, en prenant soin de ne pas suivre toute les indications et, merveille, le GPS nous perd dans les ruelles sombres du centre historique. Seuls, nous revenons sur le bord de mer, toujours sans mer, et repartons pour une troisième tentative : nous tournons, nous virons, nous sommes certains de nous en sortir et… nous revenons à notre point de départ.

Nous recommençons, en décidant de ne pas entrer dans le tunnel maudit qui nous ramène au centre ville et de prendre effrontément la direction opposée à celle que nous voulons prendre. Et là, merveille, nous nous retrouvons sur la route du gîte prise à l’aller : résultat : 14km en une heure trente !
Nous prenons soin d’éviter les désagréments de l’arrivée et pouvons enfin goûter au repos avant d’aller affronter les Cinque Terre.




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