LIGURIE
Le soleil est resplendissant lorsque nous
faisons tourner notre clé dans la serrure du portail. Un petit passage à la
boulangerie et c’est parti. La Maurienne se traverse sans véritablement doubler
de véhicules. Il en est de même pour la descente sur Turin.
Mais tout à coup, les choses
changent : voitures dans tous les sens, camions qui avancent à grands
coups de klaxon : il va falloir s’habituer à la conduite italienne…
Sur les coups de midi, nous approchons de
Gênes : circulation monstre, tunnels en enfilade non éclairés et très peu
larges, camions en surnombre : une épreuve pour Edith !
Nous quittons l’autoroute du côté de
Rapallo pour nous rendre à Portofino, le Saint Trop italien. L’accès à la cité
avec vue sur mer est de toute beauté mais empêche toute forme de stationnement.
Les carabinieri du coin nous entraînent jusqu’à l’unique parking local, à 5,50€
de l’heure. On s’y arrête tout de même et vérifiant de ne rester qu’une heure.
La ville, piétonnière, est agréable.
Le petit port est calme et les terrasses
de restaurant très italiennes.
Au-dessus de la ville se dresse la
forteresse, « Fortezza San Giorgio », et, sur l’autre colline,
l’église, assez banale et aussi assez sombre, ce qui vaut à Edith l’occasion de
s’empaler une rangée de bancs disposée là par inadvertance.
Nous remontons par les ruelles oubliées
de la foule et nous quittons le lieu qui, bien que de toute beauté, pue un peu
trop le fric pour nous.
Nous rejoignons Zoagli, beaucoup plus
accessible à notre entendement. Une longue promenade surélevée est aménagée sur
le bord de mer et nous permet de prendre un contact agréable avec la
Méditerranée.
Les vitraux et les fresques de l’église sont de toute beauté.
Ils nous incitent à partir à l’assaut de
la montagne pour rejoindre l’église San Pantaleone, fermée, puis l’église San
Ambrogio qui domine le port de Rapallo et toute la Riviera. Nous sommes en
admiration devant les portes sculptées de l’église.
Mais il faut songer à rejoindre le gîte.
La route longe d’abord le bord de mer en
enchaînant les villes toutes plus désagréables les unes que les autres et
décide tout à coup de s’attaquer à la montagne : ça tourne et pendant
longtemps… Soudain, une espèce de chemin sur la gauche nous indique la direction
de l’Agriturismo. Premier essai : l’avant de la voiture manque de toucher
les rochers. Deuxième essai : l’arrière frotte sur la route qui monte à
plus de 15% et permet juste au véhicule de passer en largeur. Il faut se
résoudre à poursuivre jusqu’au village suivant pour faire demi-tour et prendre
la montée quasiment de face. Chose faite, nous arrivons sur le chemin
d’accès : la route monte tellement que les roues avant patinent. En
insistant, la voiture prend tout de même un peu de vitesse et, cahin-caha, nous
parvenons au sommet de la côte où une chaîne en travers de la route nous
arrête.
Je pose la voiture ici : nous
verrons plus tard. Le gîte est construit sur trois étages et nous ne trouvons
pas âme qui vive : seuls de post-it sur les portes des chambres avec les
noms des locataires. Nous trouvons notre nom sur une porte du deuxième étage
avec terrasse donnant sur les montagnes environnantes : de toute beauté.
Nous entrons. Un mot, sur le lit, nous
indique de nous installer. Avant de décharger la voiture, je décide de
redescendre jusqu’au premier niveau où un petit espace devant un bâtiment
en préfabriqué doit permettre un demi-tour en plusieurs fois. Il faut
obligatoirement descendre en marche arrière puisque la chaîne empêche toute
manœuvre. Je descends lentement en m’assurant, dans le rétroviseur gauche de ne
pas basculer dans le pré longeant le chemin qui m’imposerait un nombre de
tonneaux difficile à évaluer. J’évite si bien la chute que j’entends soudain un
choc sur le côté droit. J’arrête la voiture et vais voir. J’ai trop serré à
droite, je suis monté sur un muret et je viens d’écraser une descente d’eau
pluviale qui m’a empêchée de sauter une marche d’environ quatre-vingt centimètres de hauteur.
Je remonte dans le Berlingo et enclenche
la première pour remonter et recommencer. Mais là, surprise, les roues avant patinent et la voiture refuse de bouger. Je tente de
trouver une aide mais il n’y a personne dans l’établissement.
Au-dessus, j’entends tourner le moteur
d’un motoculteur. Je vais voir. Je trouve un jeune homme qui en bave des ronds
de chapeaux à tenter de manœuvrer un engin semblant avoir traversé les
siècles. Je me lance dans une explication qui montre mes limites dans le
vocabulaire italien de l’accident mais je parviens tout de même à faire
comprendre au jardinier que, s’il ne vient pas m’aider, il ne pourra plus
redescendre de chez lui.
Il m’accompagne. Il me fait part, avec
toute sa verve italienne, de la cocasserie de l’évènement et provoque l’arrivée
d’un retraité que le bruit a extrait de sa lecture. Ils me demandent d’alléger
le coffre afin de faciliter l’adhérence des roues avant. Je m’exécute et Edith
fait les voyages jusqu’à la chambre. Nous déposons la roue de secours mais rien
n’y fait : les roues patinent et ça pue le caoutchouc brûlé.
Le voisin, en digne descendant de Léonard
de Vinci, se lance des calculs que nous avons du mal à suivre pour décider
d’aller chercher une planche, d’un mètre de long au minimum, qui, placée sous
la roue arrière gauche (la seule accessible) permettra l’adhérence tant
espérée. Il revient, il se glisse sous la voiture, dispose méticuleusement sa
planche salvatrice et me demande de m’installer au volant. Allez, on part à
l’assaut de la pente !
Rien. Désespérément rien. Ça pue toujours
le caoutchouc mais la voiture n’a pas bougé d’un millimètre. Le retraité, après une
mûre réflexion, explique que ce n’est pas du côté gauche que l’adhérence ne se
fait pas mais du côté droit. Il suggère de surélever la voiture de ce côté-là
avec un cric, de glisser la planche de salut sous la roue avant droite et
d’attaquer la grimpette. Problème : où trouver le cric dans cette satanée
voiture ? Car, en petit farceur, M. Citroën n’a pas placé le cric et sa
manivelle dans le coffre comme on aurait pu s’y attendre. Edith se lance dans
la lecture du manuel technique mais ne trouve aucune trace du matériel. Serge
s’attaque à une fouille méticuleuse du Berlingo et trouve enfin, un bon moment
plus tard, dissimulés dans une trappe placée sous la moquette du siège du
conducteur, le dit cric et sa manivelle.
Un nouveau problème ne tarde pas à
survenir : le cric ne passe pas entre la voiture et le mur et la
manivelle, qui vient s’enclencher à son extrémité, encore moins.
S’ensuit un long conciliabule d’où s’évadent
toutes les mystérieuses évocations de l’esprit humain, quand, soudain, le
jardinier s’exclame qu’il nous faut un tracteur capable de tirer le véhicule
dans la pente. Second problème : il y a bien, à l’avant de la voiture, un
endroit permettant de visser un anneau permettant de tracter le Berlingo, mais
où trouver cet anneau ? Après une recherche relativement longue, il est déniché
sous le siège du passager.
Le voisin part, à pied à travers les
jardins en nous assurant de son retour rapide avec un engin permettant le
sauvetage. La discussion s’engage avec le retraité et son épouse venue déverser
sur la Ligurie tout le mal qu’elle pense de cette région. Nous n’avons bientôt
plus rien d’intéressant à nous dire et le jardinier n’est toujours pas de retour.
Nous cherchons tant bien que mal de nouvelles remarques à nous livrer et
l’attente devient longue.
Une bonne heure plus tard, voilà notre
voisin qui réapparaît, toujours à pied, accompagné d’un homme affable qui a à
peu près notre âge. Il nous explique que, dans cette pente, le problème devait
arriver. Il ajoute que son fils était parti couper du bois en forêt avec le
tracteur et qu’ils ont dû aller le chercher. Ils l’ont retrouvé et il va
arriver. En effet, un moment après, surgit dans la côte un tracteur de poche
encore plus ancien que le motoculteur. On l’attelle à la voiture, il tire et,
lentement, la voiture s’ébroue jusqu’au sommet de côte. Le voisin enlève sa
chaîne pour permettre le demi-tour et je descends. Longs conciliabules pour
expliquer le pourquoi du comment de on ne sait plus quoi. Le pilote de tracteur
refuse un peu d’argent, comme le voisin jardinier : nous ne pouvons
qu’être admiratifs. Le tracteur disparaît en hoquetant dans la pente, les
voisins partent à leur tour, le retraité reste encore quelque minutes et nous
pouvons enfin prendre possession de nos locaux.
Mais les
vicissitudes ne sont pas terminées…
Nous avons réservé, pour le dîner, une
table à La Spezia, ville distante d’une vingtaine de kilomètres. Nous voilà de
nouveau sur la route qui serpente et serpente encore. En ville, le GPS s’en
sort bien et nous trouvons rapidement le bord de mer d’où l’on ne voit pas la
mer mais seulement de longues murailles de tôle de chantier.
Les pâtes sont al dente, les calamars
fort goûteux et nous repartons rassérénés par ce moment de bien-être.
Mais voilà, dans ce monde technologique n’est pas GPS qui veut et le
nôtre se met à douter de sa fonction. Il ne nous met pas sur la route de
l’aller mais nous entraîne sur une route minuscule de montagne encore plus
sinueuse que celles que nous avons pratiquées aujourd’hui et encore plus sombre
que l’intérieur d’une mine de charbon.
Nous montons, nous montons, en tentant de
deviner où se situera le virage suivant, quand, sans avertir, une barrière de
béton nous empêche de poursuivre. La route est fermée jusqu’à nouvel ordre pour
travaux.
Une seule solution s’impose, le
demi-tour, scabreux dans cette étroitesse et cette noirceur, mais on y
parvient.
La descente s’effectue lentement dans les
cris du GPS qui nous intime de faire demi-tour. Nous retournons sur le front de
mer où, enfin l’appareil consent à nous indiquer une autre direction. Il nous
entraîne sur une autoroute, celle que nous avions empruntée à l’aller et, par
le jeu des bretelles et des tunnels successifs, nous ramène à notre point de
départ. Nous insistons, en jurant de ne pas nous faire prendre une deuxième
fois à son petit jeu : nous repartons, en prenant soin de ne pas suivre
toute les indications et, merveille, le GPS nous perd dans les ruelles sombres
du centre historique. Seuls, nous revenons sur le bord de mer, toujours sans
mer, et repartons pour une troisième tentative : nous tournons, nous
virons, nous sommes certains de nous en sortir et… nous revenons à notre point
de départ.
Nous recommençons, en décidant de ne pas
entrer dans le tunnel maudit qui nous ramène au centre ville et de prendre
effrontément la direction opposée à celle que nous voulons prendre. Et là,
merveille, nous nous retrouvons sur la route du gîte prise à l’aller :
résultat : 14km en une heure trente !
Nous prenons soin d’éviter les
désagréments de l’arrivée et pouvons enfin goûter au repos avant d’aller
affronter les Cinque Terre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire